Afrique du Sud. Retour sur la fin de l’Apartheid. Espoirs et déception. Avec François-Xavier Fauvelle

19 décembre 2018. Où l’on sera les témoins a posteriori d’un miracle (Voir vidéo ci-après). Issu d’un drame. Le 10 avril 1990, Chris Hani est assassiné par un tueur blanc fanatique, commandité par un député ultraracialiste blanc. L’alarme immédiatement donnée par une voisine blanche permet l’arrestation du criminel. Chris Hani, dirigeant du Parti communiste, chef militaire de l’ANC, revenu au pays après des années d’exil, est une icône de la jeunesse noire des townships. Trois jours plus tard, le 13, à la télévision, Nelson Mandela (qui a été libéré en février) lui rend hommage. Hervé Dubourjal nous lit son discours, un texte qui nous paraît sans relief, convenu. C’est alors que François-Xavier Fauvelle entre en scène, pour trois quarts d’heure d’explications passionnantes, nous restituant le contexte, nous rappelant ce qu’avait été l’Apartheid, qui touchait à sa fin, et ce qu’il en était du pays en cette fin d’époque : une société fragmentée, aux divisions ancrées au plus profond, et où domine le sentiment que « tout peut exploser » ; la guerre civile menace, en opposant non pas « Noirs » et « Blancs » mais « tous contre tous » ; on comptera des milliers de morts. Or, que fait Mandela, ce 13 avril ? Il s’adresse à toutes et tous, il dit « nous ». Un « nous » englobant, transcendant les multiples appartenances ethniques, linguistiques, de coutumes, un « nous » investi d’un projet commun. Et qui fait résonner « quelque chose de nouveau » : « Nous, Sud-Africains ! », unis par une même émotion, sur fond d’urgence et de peur, pour célébrer la mémoire du héros assassiné. Un moment d’invention démocratique. Hervé Dubourjal nous relit le discours de celui qui, quatre ans plus tard, deviendra président d’Afrique du Sud. Cette fois le texte vibre. Des mots, à nos oreilles, éculés : « nation », « peuple », « démocratie » –, retrouvent leur fraîcheur, leur puissance créatrice.

L’enregistrement

François-Xavier Fauvelle, historien et archéologue, est directeur de recherche au CNRS. On lui doit, entre autres, Convoquer l’histoire. Nelson Mandela. Trois discours commentés, et Le Rhinocéros d’or. Histoires du Moyen Âge africain, panorama fascinant d’une Afrique inconnue.