Ce que les modernes ont fait aux mythes grecs. Avec Claude Calame.
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Claude Calame, anthropologue et historien de la Grèce archaïque et classique, est aussi un militant engagé aux côtés des migrants, en particulier des sans-papiers, et c’est des temps politiques qui courent dont il s’agirait avec lui, ce 9 juin 2015 (Voir vidéos plus loin). En effet, soulignera-t-il, Pegasus, Héra, Ariane, Enée, Poséidon, Triton et, le plus obscène, Zeus Xenios (c’est-à-dire Zeus hospitalier !), toutes les opérations de police aux frontières organisées par une Europe transformée en camp retranché portent le nom de divinités ou de héros grecs. Impossible, dirait-on, d’échapper à la Grèce ancienne. Mais que valent nos manières de nous référer aux mythes grecs ? Pour Claude Calame, ce que nous appelons « mythes » grecs – et qu’il serait plus juste d’appeler « récits » –, a été l’objet d’une re-fabrication permanente, y compris en Grèce archaïque puis classique.
Leur étude nous instruit donc tout autant sur nous, les modernes, qui les avons sortis de leur contexte et les avons « métamorphosés en un texte désincarné », que sur le monde grec lui-même, qui ignorait l’opposition qui nous est si chère entre mûthos et lógos. Pour les Grecs, lógos c’est tout simplement le récit et non pas la raison. Et le mythe est d’abord un discours de valeur car « argumenté et efficace ». Quand ils sont mis en cause, ce n’est pas leur véracité qui est en jeu mais leur « vérité morale ».
Comme le dit Claude Calame : « Tout d’abord considérés comme des expressions et manifestations préphilosophiques propres aux peuples sauvages, les mythes sont situés à l’aurore d’une histoire linéaire qui ne peut conduire qu’aux progrès éclairés et à l’achèvement métaphysique de la civilisation occidentale. » Notre prise en compte des mythes grecs est donc une manière de nous constituer comme modernes.
Son travail nous oblige à nous interroger sur nos opérations de captation et de redéfinition qui nous autorisent à définir, seuls, ce qui a valeur universelle et à ignorer les mondes autres que le nôtre.
Comment approcher une culture différente ? Comment se méfier de nos rationalisations à vocation universelle ? Ce sont ces questions qui ont pu être débattues à l’occasion de cette rencontre.
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