La démocratie en Afrique francophone. Avec Souleymane Gassama.
Le mardi 11 mars la Société Louise Michel recevait Souleymane Gassama, Elgas de son nom de plume, pour parler de l’Afrique et de la démocratie. Le sujet est assez complexe lorsqu’on sait l’appréhender dans son ampleur et en pleine considération de ses enjeux. C’est ce qu’a su nous faire comprendre l’orateur. On ne saurait ignorer une idée qui, malgré ses relents colonialistes, hante l’opinion : les Africains ne seraient pas faits pour la démocratie. Ne suffit-il pas de regarder les échecs politiques répétés de régimes libéraux, et la floraison des gouvernements autoritaires et des dictatures militaires ? Un jugement qui provoque en réplique l’idée qu’il ne s’agit là que du rejet légitime de greffes politiques que la puissance postcoloniale prétend imposer à des sociétés qui disposent d’autres valeurs et conceptions politiques. Finalement mieux vaut pour ces pays, s’ils veulent rompre avec la domination, couper le cordon ombilical avec la prétendue démocratie, quitte à se tourner vers l’URSS hier, aujourd’hui la Russie et la Chine. Dans un cas on se complait dans une crasse ignorance de la grande diversité des sociétés africaines, ce qu’elles furent dans une histoire qui n’a pas commencé avec la colonisation, et une vie politique qui ne s’est pas contentée de palabres. Dans l’autre on s’autorise à escamoter dans l’analyse de la réalité présente les responsabilités des dictateurs africains indéboulonnables, la corruption des élites, et les aspirations des populations. Avant tout celles de la jeunesse. Alors que celle-ci porte l’avenir, celui de ce continent dont 50 % de la population a moins de 25 ans, et vu le poids de l’Afrique celui de l’Europe et du monde. Où l’on retrouve la question de la démocratie, telle que posée aux Africaines et Africains, et à nous. Car, comme le dit Souleymane Gassama en une belle formule, « la démocratie n’est pas un bien racialement coloré ». Invitation à ne pas réduire la démocratie à un système de procédures électorales, et au contraire prendre en compte les valeurs et droits qui rendent possibles des sociétés ouvertes, maîtresses de leur devenir. Pour celles-ci la démocratie vraie doit être comprise comme un horizon, qui guide la marche vers l’émancipation. Invitation également à rompre avec l’illusion de considérer notre système politique comme un modèle universel, et à s’intéresser à ce que les sociétés africaines, dans leur grande diversité, peuvent nous apprendre.
Souleymane est docteur en sociologie, chercheur associé à l’IRIS (Institut de relations internationales et stratégiques), et journaliste et écrivain, sous le nom de plume Elgas. Né à Saint-Louis, il a grandi à Ziguinchor au Sénégal, et vit depuis une quinzaine d’années en France. Ses recherches portent sur le don, la dette et les transferts d’argent. Il est chercheur associé au Cerrev (Centre de recherche risques et vulnérabilités, Université de Caen Normandie) et s’intéresse particulièrement aux questions d’identité, de démographie, et de démocratie sur le continent africain, et à ses rapports avec la France.
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