Les gauches gouvernementales en Amérique latine : premier bilan. Avec Janette Habel
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C’était le 20 novembre 2013 (Voir vidéos plus loin). Constat : L’Amérique latine bouge, et bouge vite, dessinant des cycles politiques accélérés. Après celui, brutal, des politiques ultralibérales, dites « d’ajustement structurel », sera venu celui de mobilisations sociales exceptionnelles, qui auront conduit, à la jointure des XXe et XXIe siècles, à des victoires électorales de forces de gauche, au Venezuela, au Brésil, en Bolivie, en Équateur…
Et Janette Habel de dresser le tableau de ces transformations sur fond de changements mondiaux : le déclin relatif de l’hégémonie nord-américaine, la montée en puissance de la Chine et de son économie, qui va entraîner un boom des matières premières, dont les pays latino-américains sont grands producteurs, jusqu’à porter le commerce entre l’Asie et l’Amérique latine au premier rang des échanges. Dans ce contexte, les gouvernements de gauche ont mis en œuvre des stratégies de développement, autocentrées, portant une volonté de récupération des richesses naturelles et de défense de la souveraineté nationale, et l’instauration de traités régionaux qui tissent une intégration régionale se déprenant de l’emprise nord-américaine.
Dans ce mouvement ont été acquises des conquêtes sociales et démocratiques (par exemple en Bolivie la reconnaissance constitutionnelle des droits des « peuples originaires »), des politiques de protection de l’environnement, en particulier en Équateur.
Donc des avancées très importantes. Mais selon Janette Habel, s’ouvre présentement un nouveau chapitre marqué par des difficultés : une « reprimarisation » de l’économie, qui induit des risques de dépendance et de possible retournement de conjoncture, un développement de l’extractivisme qui génère des tensions avec les populations indigènes, une prégnance de l’économie rentière (évidente au Venezuela)…
D’où le constat que ces transformations majeures ont été réalisées dans un cadre capitaliste, d’économie de marché, resté inchangé. Du coup, les transformations sociales se traduisent par de nouvelles inégalités, de besoins eux aussi nouveaux générant des frustrations, en particulier en matière de services publics (voir les puissantes mobilisations impromptues que vient de connaître le Brésil), des blocages politiques et le maintien de fléaux sociaux (la corruption, le narcotrafic, la délinquance…).
Face à un possible retournement économique en fonction de la crise mondiale, et à la montée des tensions sociales, le grand problème est celui de l’absence d’alternative d’ensemble. Un contexte qui favorise la pression des États-Unis, forts de leur puissance militaire, qui usent de l’arme du libre échange comme d’un coin enfoncé dans l’unité en construction pour faire éclater celle-ci.
Un exposé très approfondi et riche, qui a convaincu tout à chacun qu’il y a beaucoup à apprendre de ce qui se développe en Amérique latine. Tant les problèmes sont nombreux, mais posés dans une situation de mobilisation sociale et de conscience politique sans équivalent à ce qu’on connaît en Europe.
Un jugement confirmé par Carmen Castillo, qui, revenant de Bolivie, a expliqué combien la « bataille de l’eau », pour imposer celle-ci comme « bien commun », a été portée par une impressionnante mobilisation populaire. Et aussi combien au Chili les exigences de la jeunesse témoignent d’une politisation étonnante au regard de la rupture générationnelle qu’a connue cette société.
Janette Habel concluera la soirée en soulignant combien la lecture positive qu’il convient de faire des expériences gouvernementales de gauche en Amérique latine, doit s’accompagner du constat que celles-ci aujourd’hui buttent sur un seuil difficile à franchir, tant il nécessite l’ouverture d’une voie nouvelle de transformation sociale.
Un seul regret en cette fin de soirée : ne pas disposer de suffisamment de temps pour continuer à débattre et approfondir les nombreuses questions soulevées par l’intervenante et les participants à cette soirée passionnante.
La conférence
Le débat
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