Ce tour de bonneteau derrière ladite civilisation judéo-chrétienne. Par Sophie Bessis.

Mercredi 21 mai, la Société Louise Michel recevait au Maltais rouge l’historienne Sophie Bessis, qui vient de publier un court et percutant essai : La civilisation judéo-chrétienne. Anatomie d’une imposture (Les liens qui libèrent). Alors que de longue date on parlait d’une civilisation gréco-latine, cette autre « civilisation » s’est imposée subrepticement, et à partir de la fin du 20e siècle, accompagnant la montée des idéologies à références religieuses, elle s’est installée de manière hégémonique, sans qu’on n’ait plus besoin d’interroger sa pertinence. Pourtant, nous rappelle Sophie Bessis, s’il y a bien longtemps, ont existé des sectes judéo-chrétiennes, cela renvoie à la vieille histoire d’une tradition abrahamique qui comporte non pas deux mais trois branches : le judaïsme, le christianisme et l’islam. Autre alerte, cette prétendue réalité judéo-chrétienne ne semble pas concerner une grande partie de l’espace chrétien, d’Amérique latine et d’Afrique… Donc ladite civilisation est l’affaire d’un Occident, notion elle même problématique. Et puisque précisément il est question de civilisation, le sujet est loin d’être anodin. En effet, explique Sophie Bessis, on en vient à effacer de cet Occident des siècles d’antijudaïsme puis d’antisémitisme qui faisaient du juif un Autre irréductible, « oriental » de surcroît, et à installer l’islam en situation d’altérité absolue. On comprend que le sujet ne relève pas du débat académique, mais renvoie à l’actualité la plus brûlante. La tragédie dont Gaza est la victime génère un séisme moral pour l’Occident. Ce n’est pas au nom de la prétendue « civilisation judéo-chrétienne » qu’on saurait faire croire qu’Israël est la pointe avancée de l’Occident dans un monde musulman porteur de sauvagerie, ni empêcher de voir en quoi un fallacieux « philosémitisme » est le masque d’un antisémitisme confirmé, et que si les extrêmes droites dans leur diversité agissent de concert en Israël, aux États-Unis et en Europe, c’est bien parce qu’elles partagent les mêmes fondamentaux, ceux d’un nationalisme ethnique et raciste, et de la haine de l’altérité. Sophie Bessis nous aura fait une démonstration passionnante de ce que la connaissance historique est nécessaire à la politique, et de combien il est impératif de bien savoir nommer les choses.

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Au Maltais Rouge, 40 rue de Malte, à 19 heures, le mercredi 21 donc.
Passé le porche, dans la cour, entrée à droite.

 

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